Cinéma : Le streaming, un bouc émissaire trop facile de la chute des entrées

La désaffection des salles s’explique avant tout par la cherté des places, la crainte d’attraper le covid et une offre de films peu attractive pour les jeunes.

“Netflix ou Amazone m’a tué”. Ces plateformes sont des coupables idéaux pointés par les exploitants de salles de cinéma pour expliquer la désaffection du public actuel. Depuis la suppression des dernières restrictions (passe vaccinal) mi-mars, les entrées restent en recul d’un quart par rapport à 2019.

 Les salles d’art et essai, pour démontrer la culpabilité des services de vidéo-à-la-demande, ont même commandé un sondage montrant qu’ils sont de plus en plus utilisés. En réalité, si les plateformes sont en partie responsables de la désertion des salles, elles ne sont pas l’unique coupable. Et les exploitants, en les prenant comme unique bouc émissaire, évitent ainsi toute autocritique sur les autres causes dont ils sont responsables. Revue de détail.

Selon une étude menée en avril par GroupM, les tarifs restent le frein principal : 54% des Français déclarent ne pas aller plus souvent au cinéma car “les prix sont trop élevés”, et 77% jugent que c’est « devenu un loisir beaucoup trop cher ».

Pour sa part, un sondage commandé par le Centre national du cinéma (CNC) cite le “prix trop cher” comme la seconde explication à la désaffection des salles, avancée par 36% de ceux qui vont moins en salles (la première cause étant “la perte d’habitude d’aller au cinéma”).

De manière surprenante, ce sont surtout les CSP+ (42% d’entre eux) qui se plaignent de cette cherté, plus que les inactifs (31%). Le prix est aussi décrié surtout par les 35-49 ans, plus que par les jeunes. Et le problème est aggravé par l’inflation, qui contraint les Français à faire des arbitrages.

Face à cela, les salles ont réagi dans certains pays en baissant leurs tarifs, comme en Grande-Bretagne. En France, au contraire, les tarifs ont augmenté. En 2021, le prix d’une place a crû de +6%, pour atteindre 7,04 euros en moyenne (réductions comprises), soit deux fois plus qu’en 1984 (cf chiffres ci-dessous). Et encore, il ne s’agit que d’une moyenne. A Paris, le Pathé Beaugrenelle vient ainsi d’augmenter d’un euro le tarif de sa salle Dolby, qui atteint désormais la somme record de 23,5 euros la place…

Les exploitants arguent que la place reste moins chère qu’en Grande-Bretagne (8,52 euros), Allemagne (8,87 euros), Etats-Unis (9 euros), Suisse (14,6 euros) ou Japon (12 euros). Mais dans ces pays, la population va moins au cinéma qu’en France et la production nationale y est plus réduite (sauf aux Etats-Unis).

En réalité, ces tarifs élevés permettent aux salles françaises d’engranger de confortables profits. Selon une étude de l’Insee, la marge des exploitants s’élevait à 37% en 2015.

Le prix des billets n’est pas la seule explication : la vente de produits alimentaires, qui représente 13% des recettes, est particulièrement lucrative, avec un rentabilité de la confiserie de près de 30%, selon un rapport.

Chez UGC, les produits alimentaires représentaient 15% du chiffre d’affaires des salles en 2019. Et chez Kinepolis, les ventes en salles (confiserie, boissons, goodies…) pesaient même 28% des revenus en 2019.

Certes, les salles ont été touchées de plein fouet par la crise sanitaire, qui les a contraintes à rester fermées 300 jours au total. Mais les principaux groupes ont d’ores et déjà retrouvé leurs profits d’avant crise.

En 2021, les salles françaises de Pathé Gaumont ont ainsi engrangé une marge opérationnelle de 10%, contre 12,5% en 2019. Pour les salles françaises de Kinepolis, la marge opérationnelle a atteint 24,5% l’an dernier contre 25,2% deux ans plus tôt (cf graphes ci-dessous).

Ce dernier dégage d’ailleurs dans l’Hexagone une meilleure rentabilité que dans sa Belgique natale, qu’en Espagne ou qu’en Amérique du Nord…

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